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Techniques pour se reconstruire et ne plus (trop) souffrir...

La colère saine pour retrouver l'estime de soi et l'apaisement

29 Janvier 2015, 16:59pm

Publié par Yohann B

La colère saine pour retrouver l'estime de soi et l'apaisement

J’ai 9 ans.

Noël.

Papa se saoule plus que d’habitude. Il est encore plus violent. Plus que le soir de la louche en argent. Pire. Surtout avec Maman.

Je retrouve les cheveux de Maman par poignées dans le couloir. Il y a des hurlements. Je ne sais pas où sont les autres enfants. Elle lui reproche sa liaison, de nous avoir trahis. Elle reçoit des coups de poings un peu partout. Je m’interpose, à mes dépens. Papa, s’en va finalement. Je crois que c’est grâce à moi. Il nous laisse dans une chambre. Je tremble de tout mon corps. Je suis terrifié, envahi par l’angoisse qu’il revienne. Comme s‘il pouvait revenir et cette fois-ci nous tuer. Maman me voit trembler. Elle prend mes mains. Elle me dit: «Arrête de trembler». Nous savons que Papa est parti à Lorient retrouver cette femme et que nous avons du temps. Mes frères et sœur sont terrifiés, épuisés. Ils regardent Maman, suppliants. Maman réfléchie. Elle nous dit de prendre nos affaires, cartables, vêtements. Elle passe un appel à Grand-Maman. Nous quittons la maison en passant par les bois, pour ne pas prendre le risque de croiser Papa.

Il est minuit je crois. Nous sommes tous chargés de nos affaires. Même si je tremble encore, je suis soulagé. Nous traversons un champ, les bois noirs. Il fait froid. Nous voyons la maison de Grand-Maman. Je remercie Dieu en arrivant. Maman va nous protéger. La vie va enfin changer.

Les jours qui suivent sont angoissants. Grand-Maman est dure avec Maman. Son ton est sec et remontrant. Nous vivons à 6 enfermés. Grand-Maman, Maman, Sophia, Jérémy et moi. Il y a Cyril aussi. Maman l’a emmené même si elle n’est pas sa vraie maman.

Pour obtenir un appartement, un travail et des aides, Maman va à la mairie. Au nouvel an Sophia va chez une amie. Elle revient le premier janvier avec des chocolats qu’elle partage avec nous trois, Cyril, Jerem et moi.

Le maire décide de nous loger dans un appartement de trois pièces à Moulin du pont. À L’étage d’un Gîte rural, à quelques kilomètres de Doëlan. Nous allons avoir un chez nous. Juste avant la rentrée, il nous faut déménager, réunir nos affaires. Partir nous installer.

Maman nous demande de nous préparer : « On » vient nous aider en voiture. Mystérieuse, elle attend impatiemment en regardant par la fenêtre. Je suis dans la chambre quand on m’appelle pour partir. Je ne comprends rien en sortant de chez Grand-Maman. Mon cœur se met à battre d’angoisse en voyant Papa sortir de sa voiture. Je vois Maman lui sauter au cou. Pire, elle l’embrasse amoureusement, avec la langue. Elle se sert contre lui comme si rien n‘avait été. Comme s’il ne nous avait jamais frappés.

Je vacille. L’image est un coup de poing.

Je suis dégoûté par cette femme qui se respecte si peu, qui nous traite comme des animaux. Des petits chiens. Des petits êtres de compagnie, secondaires, sans vrais besoins. Cette femme qui se fiche de notre besoin de paix et de sécurité.

Je ressens le plus grand abandon de ma petite vie, une sensation d’être si peu important à ses yeux. Ma protection, ma santé mentale, mon équilibre, tout cela n’a aucune valeur face au désir sexuel de cette femme. Je sens que c’est cela, la passion qu’elle a pour cet homme pourtant dangereux, violent, infidèle et menteur, qui la rattache à lui. « Ça » qui prime de loin devant nos vies.

Je me sens si peu de chose à cet instant. Certainement plus un enfant. Je pense : « Être un enfant n’est absolument pas intéressant pour être aimé de Maman, ou protégé par les grands. » Je perds l’estime de moi. Je ressens que ce qui a du pouvoir dans le monde, ce n’est pas l’innocence et l’amour comme celui que j‘ai pour elle. C’est le pouvoir de l’attraction sexuelle.

Grand-Maman, sur le pas de sa porte, les bras croisés, vocifère à sa fille: «Eh bien! C’était bien la peine de faire tout ce cinéma! » Je voudrais rester avec elle. Je voudrais « divorcer » de mes parents. Ils me font peur et mal en même temps. Ils démolissent mon monde d’enfant, mon cœur, ma tête et tout dedans.

Nous chargeons la voiture. Ces deux étranges adultes nous emmènent au gîte qui sera notre nouvelle maison. Papa nous aide à nous installer. Moi, je digère ces émotions. Je cache mon dégoût de leur comportement. Je me cache à moi-même ce dégoût de Maman : Je ne peux pas vivre sans quelqu’un à aimer. Je la garde dans mon cœur, à la première place après le Seigneur.

Je sais que je me mens. Je le sais car je sens une énergie affreuse qui me rentre au goute à goute dans l’organisme. Insidieusement, la pensée que le vrai pouvoir sur terre pour être aimé est d’être sexuellement désiré. Elle s‘installe dans mon esprit. Petit à petit. Je sais, je sens que c’est ce sentiment qui sonne la fin de mon enfance et le début de gros ennuis.

J'ai travaillé ce trauma de mon enfance il y a seulement quelques années. J'avais enfoui dans mon subconscient ces évènements et je n'avais pas imaginé qu'ils étaient à l'origine de tout un tas d'horribles choses qui me sont arrivées par la suite.

Je ne suis pas parent et je ne sais pas ce que j'aurai fait à la place de ces deux personnes qui m'avaient sous leur responsabilité à cette époque. Si j'avais été "complétement eux" je crois que je n'aurai rien fait de mieux. Je ne porte pas de jugement car je ne sais pas ce que c'est d'être "eux".

Mais je n'ai pu obtenir cette neutralité face à ce conditionnement misérable que grâce à l'expression véritable de ma colère.

Et c'est l'expression de cette colère qui m'a permis de dépasser ce sentiment de n'avoir pas été un enfant "important". Un enfant qu'on protège de la violence et dont on préserve l'innocence.

Ma vie aurait été pourtant toute autre et je sentais que le comble était que c'était à moi de faire le travail de résilience. Car personne n'était jamais venu me demander pardon. Ce qui réveillait en moi encore plus de colère.

J'ai exprimé en séance de thérapie, puis seul ensuite, de nombreuses fois ma colère d'enfant.

Je l'ai écrite dans des lettres de reproches amères jamais envoyées. (Je ne conseille pas de les envoyer)

Pour ma part j'ai écris et exprimé lors de ces séances que je méritais protection et attention lorsque j'étais enfant. J'imaginais que je le criais à mes parents, là, devant le porche de Grand-Maman. Je leur disait que cette attitude instable et ambivalente avait créée le désespoir de n'être "qu'un" enfant insignifiant. Me menant à un désespoir encore plus grand. Une détresse qui, dès ce moment là a fait de moi une victime idéale pour les adultes malintentionnés.

J'ai dû l'exprimer pendant des mois et de multiples façons. Souvent cette colère fait pleurer car on imagine ce que notre vie aurait été si l'on avait été préservé. Tout ce temps gâché relance la colère de plus belle et il faut de nombreuses fois revenir au point de départ.

"Qu'est-ce que vous faites?!! Vous ne voyez pas votre enfant?!! Vous ne voyez pas ce qui se passe en lui ?!!"

J'ai personnellement visualisé des scènes où je hurle sur mes parents lorsqu'ils se retrouvent, libidineux et déroutants, si peu après avoir été cocréateurs d'un moment violent et effrayant.

Il faut tout essayer, ne pas avoir peur d'aller trop loin. Après tout ils ne nous entendent pas. Se rappeler qu'on fait cela pour soi. Il faut vouloir protéger l'enfant, même en hurlant: "Moi aussi je peux être violent! Mais je le suis pour vous montrer ce que vous faites à cet enfant! C'est scandaleux, ahurissant !"

N’hésitez pas à aller dans un endroit où personne ne vous entend !

Rien que de faire cela nous redonne rapidement de l'estime de soi. Et cela fait de la place en nous pour beaucoup de joie.

La colère cessera forcément un jour, à force d'être exprimée sainement.

Il faut être patient et toujours se rappeler que l'on fait cela pour l'enfant.

Cet enfant qui attend au fond de nous d'être enfin reconnu et protégé, depuis tout ce temps...

Courage, apaisement et succès à ceux qui voudront essayer.

Avec vous.

Yohann M

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